Paris, XIIIᵉ siècle. Alors que les bâtisseurs de Notre-Dame achèvent leur œuvre, compositeurs et théoriciens inventent une nouvelle manière d’écrire la musique. À l’image des voûtes et des arcs brisés que la lumière des vitraux révèle peu à peu, un nouveau langage permet aux lignes musicales de se superposer, de se répondre et de s’organiser comme de véritables cathédrales sonores. Deux révolutions croisées qui pendant quatre siècles se propageront dans toute l’Europe et chercheront à faire de la pierre comme du son un trait d’union entre la terre et le ciel.

Au rebours des idées préconçues, ce programme révèle l’extraordinaire vitalité d’un univers sonore aux formes, fonctions et esthétiques multiples. La musique y circule partout : elle célèbre les grandes réjouissances et les exploits chevaleresques, accompagne les rituels religieux, divertit les cours princières et dénonce parfois avec amertume l’injustice des puissants. Portées par les timbres spectaculaires d’un ensemble d’instruments à vent d’une grande variété, ces sonorités singulières plongent l’auditeur dans un monde qui mêle intimité et extravagance, tumulte et recueillement, moments de fête et temps de profonde contemplation.

Aux lignes mélodiques hypnotiques des très anciens motets qui emplissaient les premières cathédrales se mêlent les chants de troubadours qui appellent à délivrer Jérusalem assiégée. Sur le lieu du tournoi, les hérauts d’armes annoncent les chevaliers, interrompus par les fanfares des hauts ménétriers qui mèneront aussi en soirée le bal au château. Dans les alcôves des palais, hautbois et trompettes à coulisse laissent place aux douces flûtes à bec qui fredonnent de subtiles polyphonies inspirées de thèmes populaires… Et les nefs des cathédrales résonnent de lumineuses harmonies, évocatrices d’une paix céleste qui tarde encore à devenir celle du royaume des hommes.